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Travail social et développement social : La formation initiale au coeur du changement

Si certains en doutaient encore, les résultats de l’enquête sur les attentes des collectivités territoriales pour la formation de leurs travailleurs sociaux montrent bien l’attachement de ces dernières à une profonde restructuration de l'action sociale. Leurs réponses sur les compétences requises des professionnels traduisent une perception aiguë de la transformation de la question sociale. L'étendue de leurs responsabilités depuis la décentralisation leur ont permis d'observer l'évolution des publics de l'action sociale et, au-delà, la déstabilisation croissante d'une grande partie de la population. Elles en connaissent les raisons.

Face à de nouveaux enjeux sociaux...

Au-delà de la précarisation de l'emploi, la perte des repères et la régression des relations sociales remettent en cause la qualité même du vivre-ensemble.

A chaque étape de la vie, on peut en constater les effets. Ainsi, l'augmentation du nombre d'enfants confiés au services de l'aide sociale ou de la justice ne résulte que pour partie de la précarisation économique. Elle est principalement provoquée par l'éclatement des familles et la destruction du tissu relationnel qui en découle souvent. De même, la désaffiliation des jeunes se nourrit principalement de l'émergence d'une véritable crise identitaire. Quant à la détresse des anciens, bien que moins perceptible, elle n'en est pas moins bien réelle car la mort physique est de plus en plus fréquemment précédée d'une mort sociale.

Or ces évolutions coïncident avec une crise des mécanismes traditionnels de protection sociale et d'action sociale, mal adaptés à la progression considérable du nombre de personnes à soutenir et à la complexité croissante des situations. L’État moderne se trouve menacé dans l'une de ses raisons d'être : préserver la cohésion sociale. À moins qu'il ne soit possible de lui offrir une réelle perspective de mutation : consolider et compléter l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux par une prévention effective des risques sociaux.

À cet effet, et chacun en convient maintenant, il faut agir bien au-delà des logiques assistantielles, dans une perspective de développement des solidarités de proximité et d'implication personnelle et collective dans la réalisation de projets territoriaux.

... de nouveaux modes d'intervention à développer...

Bien évidemment, cette dynamique de développement social ne peut se réaliser sans une forte implication des travailleurs sociaux. Leur fonction, leur éthique, leur connaissance des populations et des territoires les placent en première ligne pour définir qualitativement les besoins, pour identifier les réponses, pour animer des démarches collectives et participatives. Or cette aspiration se heurte aujourd'hui à des problèmes d'organisation, de hiérarchisation des objectifs, mais aussi et peut être avant tout de formation.

La formation initiale des travailleurs sociaux est en effet inspirée d'un scénario révolu. Durant les Trente Glorieuses, les personnes en marge de la société étaient principalement des personnes fragilisées par leur histoire personnelle ou familiale. Il fallait les aider à se "reconstruire" pour qu’elles puissent réintégrer une société forte de ses certitudes et de ses perspectives et tout à fait apte à les accueillir à nouveau. Et donc logiquement, la formation initiale devait avant tout privilégier l'accompagnement individuel des personnes.

Aujourd'hui, la dimension collective des problèmes appelle un développement de l'approche collective de l'intervention sociale. Certes, celle-ci a toujours été enseignée, mais sa place dans la formation est, comme dans les pratiques, marginale. Cette réorientation nécessite bien évidemment une réflexion approfondie sur ses objectifs, qui doit impliquer au premier chef les principaux employeurs du travail social, et parmi eux les collectivités territoriales.

... en concertation étroite avec les collectivités territoriales.

Les conseils généraux notamment sont devenus l'un des principaux employeurs de travailleurs sociaux (4 assistants de service social sur 10 travaillent dans un service départemental d’action sociale) et ils influent considérablement sur la gestion du travail social rattaché aux associations qu'ils financent. Quant aux villes, elles sont de plus en plus soucieuses de renforcer leurs modes d'intervention sociale. Les départements et les villes revendiquent donc légitimement le droit d’intervenir plus activement dans la définition du contenu et des modes d'action pédagogiques de la formation initiale du travail social.

Or, la définition des orientations de la formation des travailleurs sociaux relève de la responsabilité de l’État et longtemps la concertation s'est essentiellement développée autour du couple organismes de formation et administration d’État, en raison notamment de la défiance entretenue par le monde de l'enseignement à l’égard du monde des employeurs dans sa diversité.

Certes la démarche initiée par la Direction Générale de l'Action Sociale autour du récent schéma national et des schémas régionaux, parce qu'elle a permis une réelle consultation des pouvoirs locaux, en particulier départementaux, mérite d'être relevée. Et elle devrait s'enrichir grâce aux travaux de la commission professionnelle consultative du travail social et de l'intervention sociale récemment mise en place1.

Mais les enjeux de la formation initiale dans le processus de restructuration de l'action sociale sont si prégnants au moment où est envisagée une nouvelle étape de la décentralisation qu'il peut paraître utile d'enrichir ces réflexions d'une observation complémentaire. S’appuyant sur des enquêtes approfondies pour mieux appréhender les attentes des collectivités territoriales, et sur des analyses croisées pour mieux identifier les principaux dysfonctionnements de la formation initiale, la réflexion collective a permis de dégager des pistes opérationnelles pour l’adaptation de la formation (1ère partie) et la réussite de l’alternance (2ème partie).

Notes :

2 Cette commission a été mise en place par arrêté du 11 septembre 2002, Journal officiel du 24 septembre 2002.