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Décryptage/Témoignage

Jean-René Lecerf : « L’EHPAD ne doit pas disparaître, mais il doit se transformer ».

Le nouveau président du conseil de la CNSA nous livre sa vision pour améliorer la qualité de vie des uns et des autres, en cessant de considérer la personne âgée comme une charge pour la société et pour qu’elle puisse mettre son expérience, son vécu au service des plus jeunes générations. 

Portrait de Jean-René Lecerf

En tant que nouveau président du conseil de la CNSA, quelles seront vos priorités à développer pour les prochaines années ?

Nous avons déjà une marche à franchir afin de mettre en œuvre la gestion de la 5ème branche de la Sécurité Sociale dédiée à l’autonomie, pour laquelle nous venons de signer avec l’Etat la Convention d’Objectifs et de Gestion 2022-2026 et qui donne des orientations jusqu’en 2030.

Plus globalement, j’ai pour projet, en tant qu’ancien président de Département, de créer des relations beaucoup plus partenariales que par le passé entre l’Etat, les départements, les MDPH (maisons départementales pour les personnes handicapées) et les ARS (agences régionales de santé). Nous faisons face à un des défis les plus importants de notre société : le vieillissement de la population. Chacun doit pouvoir vieillir dans des conditions qui lui permettent d’être autonome dans sa vie de citoyen, dans ses désirs, dans ses besoins.

Les deux priorités selon moi sont de faire partager largement la question de l’autonomie à tous nos concitoyens et de leur donner les moyens pour faire face à ce défi. Il faut arrêter de régler les problèmes en silos, à commencer par ne pas séparer la question de l’autonomie liée à l’âge avec celle liée au handicap, ce qui signifie surtout que nous ne pourrons régler ce problème sans que tout un chacun ne s’empare de la question. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des uns et des autres, en cessant de considérer la personne âgée comme une charge pour la société et pour qu’elle puisse mettre son expérience, son vécu au service des plus jeunes générations. 

Comment pouvons-nous mieux favoriser le soutien à domicile ?

Le soutien à domicile est un enjeu essentiel, d’autant plus que la notion de domicile a évolué. L’une de nos volontés fortes est le virage domiciliaire. Cela veut dire que chacun doit se considérer comme étant chez soi aussi bien dans son domicile traditionnel que dans les résidences pour personnes âgées, terme que je préfère largement à EHPAD, ou dans des structures alternatives. Je crois que cette conception permettra de répondre à de multiples questions.

Aujourd’hui, beaucoup de départements ont multiplié et développé un panel de solutions intermédiaires, dans lesquelles la qualité de vie est favorable. Toutefois, quel que soit le domicile, nous avons fondamentalement besoin des structures d’accompagnement à domicile. Elles doivent être développées pour que l’accompagnement ne se réduise pas au soin à la personne ou à la toilette, mais aussi à du temps permettant la convivialité à l’égard de la personne.

D’autres professions doivent aussi faire partie du soutien à domicile : l’accès à la culture, l’ergothérapie, l’accompagnement par un psychologue.... Avec un personnel plus nombreux, reconnu et compétent, le soutien à domicile parviendra à son objectif. La reconnaissance à l’égard des personnels de soutien à domicile, à la fois reconnaissance du caractère noble et essentiel de leurs métiers et reconnaissance financière, représente un enjeu essentiel et un formidable pari. Le recrutement de personnel est nécessaire, et dans un pays qui connait un taux de chômage important avec un nombre de bénéficiaires du RSA élevé, cela représente davantage une chance qu’un fardeau.

Quel avenir percevez-vous pour les EHPAD ?

L’EHPAD ne doit pas disparaitre, mais il doit se transformer. Nous sommes sûrement allés trop loin dans la médicalisation et dans le souci de sécurité au détriment du souci de liberté. Ce que veulent les personnes en perte d’autonomie aujourd’hui, c’est que leur autonomie et leur liberté soient entièrement respectées. En adoptant la conception domiciliaire, où chacun est chez soi quel que soit son lieu de vie, il n’est pas possible d’entraver des libertés quotidiennes, telles qu’avoir des animaux de compagnie, recevoir des visites à tout moment ou avoir une vie intime et sexuelle.

Concernant les dernières révélations à propos de certains EHPAD privés à but lucratif, j’y ai moi-même été profondément sensible. Lorsqu’il y a de l’argent public en jeu, des contrôles beaucoup plus stricts doivent être mis en place. Il serait également pertinent que des élus locaux soient systématiquement dans les conseils de vie sociale ou d’administration de ces établissements privés, pour alerter au plus vite en cas de dysfonctionnement. Mais cela ne veut pas dire que tout se passe bien dans le public : le manque de personnel se fait ressentir. Enfin, il faut surtout créer des interactions avec le monde extérieur et remettre de la vie dans ces structures collectives, qui resteront toujours nécessaires. 

Lire notre étude, menée avec La Banque Postale : Les EHPAD et l'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie.