Evaluation et prévention de la perte d’autonomie : vers des pratiques plus coordonnées ?
Mercredi 27 mars la CNAV, la CNSA, la CCMSA et l’Inter-régime organisaient une journée nationale autour de deux problématiques essentielles : l’évaluation des besoins des personnes âgées à domicile et la mise en œuvre et l’efficience des actions collectives de prévention dans le cadre des conférences des financeurs.
L’Odas avait été sollicité pour préparer et animer cette journée. Estelle Camus, chargée d’étude autonomie, a mené à bien cette mission. Retour sur cette première étape de construction d’une culture partagée entre conseils départementaux et caisses de retraite.
« Nous avons une responsabilité majeure face à une demande forte de lisibilité et de fluidité pour simplifier les démarches et garantir aux personnes âgées une réponse opérationnelle rapide ». Dès l’ouverture, devant 250 participants, Anne Burstin, directrice de la CNSA, plante le décor. Car sur le champ de l’évaluation, depuis 2001, les personnes âgées confrontées à des difficultés liées à l’âge et souhaitant rester à domicile ont deux interlocuteurs principaux : les caisses de retraite lorsqu’elles relèvent des GIR 5 et 6 et les départements pour celles relevant des GIR 1 à 4.
Simplifier les parcours
Résultat : « les modalités d’accès aux dispositifs d’aide au maintien à domicile ne sont pas du tout évidentes pour le public. Lorsqu’il y a une erreur d’orientation certains usagers peuvent attendre plus de quatre mois avant que leur plan d’aide soit déclenché », regrette Jean-François Capo Canellas, directeur de l’action sociale de la Carsat Normandie.
Pour faire face à cet écueil, dés 2011 la caisse de retraite et le département du Calvados ont mis en place une reconnaissance mutuelle de leurs outils d’évaluation et développé des formations communes. Une coopération qui a permis de mettre fin aux ruptures de prise en charge entre Carsat et départements, d’éviter la multiplicité des évaluations et de réduire les temps d’attente.
Depuis, la loi adaptation de la société au vieillissement (ASV) encourageant cette reconnaissance mutuelle des évaluations de la perte d’autonomie, d’autres territoires suivent cette direction, comme en témoignent plusieurs participants. Le conseil départemental de Dordogne et la Carsat nouvelle Aquitaine travaillent ainsi à l’instauration d’un référent unique qui traitera l’ensemble des demandes.
Dans l’Allier, c’est un document unique qui est en cours de construction. Car, si chaque institution utilise la même grille de girage, chacune dispose par ailleurs de son propre outil d’évaluation : le référentiel multidimensionnel pour les départements et Sireva pour les caisses de retraite. Or, bien que ces outils soient animés par des logiques d’évaluation distinctes, de prévention pour les caisses de retraite et de compensation pour les départements, leurs points communs (approche multidimensionnelle, objectivation des critères d’évaluation, harmonisation des pratiques) constituent autant de points d’appui vers une reconnaissance mutuelle des évaluations.
Mais pour y parvenir, « les travailleurs sociaux des départements et des caisses doivent mieux se connaître et connaître les outils de leurs homologues. Il faut donc multiplier les espaces d’échange et les formations pour accompagner les changements de pratiques », souligne Isabelle Moesch, chef de projet au Pôle de gérontologie et d’innovation de Bourgogne-Franche-Comté.
Bâtir une culture partagée
La coordination entre caisses de retraites et départements est également primordiale en ce qui concerne les actions collectives de prévention de la perte d’autonomie. Car, si une récente étude de l’Odas a permis de confirmer la montée en puissance de ces actions dans le cadre des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie pilotées par des départements (CFPPA), faisant le constat d’une plus grande diversité de thématiques, de porteurs de projets et de publics touchés, elle a également mis l’accent sur différentes pistes d’améliorations (voir Jas n°235 p. 36) qui ont alimentés les discussions durant l’après midi.
« En réunissant tout le monde autour de la table, la CFPPA est devenue le lieu de la culture commune, de l’échange ». Là encore, à l’image de Claire Davy, cheffe de projet parcours santé des personnes âgées à l’ARS Ile-de-France, les différentes interventions ont souligné l’importance de bâtir une connaissance partagée. En s’appuyant notamment sur l’expertise des caisses de retraite qui, depuis 2010, déploient au plus près de leurs territoires un programme national d’actions collectives de prévention (265 000 retraités concernés en 2017). Elles ont ainsi bâti une culture de la prévention, reposant sur des données scientifiques précises permettant de repérer les actions probantes, sur des critères partagés avec la construction de référentiels communs, mais aussi sur des mesures d’impact.
Afin d’améliorer encore la coordination des financements, la CNSA a ainsi évoqué entre autres pistes, les délégations de gestion d’une partie de ses concours aux structures interrégime. La CFPPA de la Moselle a fait ce choix en déléguant à la structure Label Vie qui intervient sur huit départements.
Plus à l’ouest, en Ile-de-France, l’ARS se repose sur l’expertise du PRIF, la structure interrégime des caisses de retraite, afin de structurer l’offre à l’échelle régionale. Dans les Hautes-Alpes, on va plus loin, en associant étroitement l’ensemble des partenaires et des porteurs de projets afin de diffuser cette culture de la prévention à l’ensemble des membres de la CFPPA (voir « focus » ci-dessous).
« Il est essentiel de partir des besoins des personnes, mais il faut également tenir compte des contraintes et spécificités territoriales afin de permettre aux porteurs de projet, quel que soit le territoire, de proposer à chaque retraité une offre cohérente et adaptée », relève Frédérique Garlaud, directrice nationale de l’action sociale à la CNAV, résumant l’état d’esprit général de cette journée.
Focus : Dans les Hautes-Alpes, la CFPPA bâti une culture de territoire
Dans les Hautes-Alpes, tous les membres de la CFPPA sont impliqués dans le suivi des dossiers du début à la fin. A titre d’exemple, lors de la phase d’instruction ils se déplacent en binôme dans les territoires pour rencontrer chaque porteur de projet. « C’est l’occasion de les conseiller, mais ce sont surtout des moments d’échanges enrichissants pour tous où on apprend à mieux se connaître », précise Camille Raynaud, chargée de mission CFPPA Hautes-Alpes. « Du coup les décisions sont plus faciles à prendre et il y a plus de lisibilité pour les uns et les autres. Et du point de vue des porteurs de projet, les membres de la CFPPA sont plus que des financeurs, ce sont aussi des personnes qui sont là pour les accompagner ».