Enquête annuelle - Dépenses sociales et médico-sociales des départements en 2022 - L'arbre qui cache la forêt
Comme chaque année, l’Odas décortique et analyse l’évolution des dépenses sociales et médico-sociales des départements avec le concours d’un échantillon représentatif de 49 départements. Après une année 2021 dont le caractère atypique est largement confirmé, cette étude portant sur l’année 2022 témoigne de tendances très contrastées.
En 2022, les dépenses sociales et médico-sociales des départements augmentent moins rapidement que l’inflation. Il y aurait donc tout lieu d’être rassuré.
Mais l’ampleur de la baisse des dépenses pour l’allocation de revenu de solidarité active (RSA) masque en fait des augmentations, d’un niveau équivalent voire supérieur à celui de l’inflation dans trois domaines : la protection de l’enfance, le soutien aux personnes en situation de handicap et le personnel départemental.
Conformément aux années précédentes, nous présentons dans la première partie de notre étude les résultats globaux concernant l’action sociale et médico-sociale, puis dans une seconde partie les évolutions par secteur.
Synthèse des principaux résultats
Les dépenses globales
En 2022, la dépense nette d’action sociale départementale s’élève à près de 41,5 Milliards d’euros, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à 2021 (+ 1,1 Milliard d’euros). Après la quasi stabilité de la dépense nette en 2021 (+ 0,4 %), l’évolution de la dépense en 2022 cache deux mouvements importants et très contrastés : la dépense relative au revenu de solidarité active baisse de près de 0,5 Milliard d’euros tandis que l’ensemble des autres dépenses augmentent de 1,6 Milliard d’euros. L’essentiel de cette augmentation provient des multiples revalorisations salariales dans le cadre de l’application du Ségur de la santé et de ses extensions successives ainsi que des mesures concernant les services d’aide à domicile. Les concours de l’État pour le financement des allocations ont augmenté au même rythme de 2,7 % (+ 230 millions d’euros). Il en résulte une augmentation de la charge nette, qui s’élève à 32,6 Milliards d’euros (+ 860 millions d’euros).
Définitions
La dépense sociale et médico-sociale nette, soit la dépense défalquée des recettes (récupérations d’indus, participations des usagers, remboursements à d’autres départements ou à l’assurance maladie…) ne traduit pas la charge financière que représente l’action sociale pour les départements. En effet, parmi les dotations versées par l’État, certaines sont explicitement affectées au financement des allocations : la CNSA participe ainsi au financement de l’APA et de la PCH, tandis qu’une part de la dépense de RSA est couverte par le transfert d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et par le versement du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI).
La charge nette des départements est donc obtenue en retranchant ces dotations de la dépense nette. Cette charge nette représente le poids réel des dépenses sociales et médico-sociales pour les départements.
Personnel
Depuis 20 ans, la dépense de personnel augmentait peu (de + 2 % à + 3 % par an) à quelques exceptions près. Ceci s’expliquait notamment par le gel du point d’indice des fonctionnaires et parfois par des réductions de personnel. Pour la première fois cette année, l’augmentation est de 6,1 %. Ainsi la dépense de personnel passe de 3,95 Milliards d’euros en 2021 à 4,19 Milliards d’euros en 2022. Cette dépense atteint maintenant 10 % de la dépense totale d’action sociale.
Protection de l'enfance
En 2022, la dépense nette de protection de l’enfance a fortement augmenté (+ 6,9 %). Elle atteint désormais 8,86 Milliards d’euros contre 8,29 Milliards d’euros l’année précédente. Le nombre de jeunes pris en charge évoluant peu (+ 1,4 % d’enfants et jeunes accueillis, - 0,7 % accompagnés suivis à domicile), cette progression est essentiellement liée aux revalorisations salariales des personnels des établissements et services ainsi que des assistants familiaux. Quelques départements signalent cependant des ouvertures de places en établissements ou en accueil à domicile.
Soutien aux personnes en situation de handicap
En 2022, la dépense nette en faveur des personnes en situation de handicap a augmenté de + 5,4 % par rapport à 2021 pour atteindre 8,71 Milliards d’euros. Cette évolution est largement due à l’augmentation de la Prestation de compensation du handicap (PCH), de + 11,8 %, deux fois plus importante que l’année précédente. Le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dédié à la PCH a augmenté de + 33,3 %, soit une augmentation de + 200 millions d’euros. Il en résulte que la charge nette, de près de 7,9 Milliards d’euros, augmente moins que la dépense nette : + 3,3 %.
Soutien aux personnes âgées dépendantes
En 2022, la dépense nette en faveur des personnes âgées dépendantes progresse de 270 millions d’euros, soit + 3,7 %, pour s’établir à 7,65 Milliards d’euros. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en représente 85 %. Le concours de la CNSA au titre de l’APA est stable (+ 10 millions d’euros), ce qui conduit à une évolution de la charge nette de + 5,3 % par rapport à l’année précédente.
Soutien à l'insertion
En 2022, la dépense nette s’élève à 10,6 Milliards d’euros, en diminution de 4,3 % par rapport à l’année précédente, soit près d’un demi-Milliard d’euros. Pour la deuxième année consécutive, le nombre d’allocataires diminue de 2,3 %. La charge nette diminue, passant de 5,5 Milliards d’euros à 5,0 Milliards d’euros, le montant des concours de l’Etat étant similaire à celui de l’année précédente.
L'analyse de La Banque Postale
Si la situation des finances départementales est en moyenne satisfaisante en 2022, elle devrait se dégrader en 2023 du fait notamment des effets de l’inflation et d’une réduction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Tendances 2023
Côté dépenses, la bonne tenue de l’emploi à un impact positif sur l’évolution des dépenses d’allocation au titre du RSA. Le nombre d’allocataires continue de diminuer au premier trimestre 2023. Reste à espérer que la mise en oeuvre de la réforme de l’indemnisation du chômage ne conduise pas à un transfert de charge vers le RSA. Par ailleurs les impacts des expérimentations seront à observer attentivement.
2023 sera la première année pleine pour les diverses mesures de revalorisation salariale. De plus, le bénéfice de la Prestation de compensation du handicap est élargi à partir du 1er janvier aux personnes en situation de handicap psychique ou avec un déficit intellectuel. Ce qui conduira inévitablement à une augmentation de la dépense.
Il est utile de préciser que les éventuelles incidences du contexte international sur l’inflation, sur le coût de l’énergie et donc sur l’évolution de la pauvreté, pourraient être un facteur supplémentaire d’augmentation de la dépense.
Côté recettes, l’analyse de La Banque Postale montre que les départements, et sans doute plus particulièrement certains d’entre-eux, entrent dans une période plus contrainte, notamment avec la baisse des produits des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Conclusion
Après une année 2021 dont le caractère atypique est largement confirmé, cette étude portant sur l’année 2022 témoigne de tendances très contrastées. L’augmentation de la dépense nette globale est compensée par la baisse des dépenses d’allocations RSA. Et si la situation des départements est satisfaisante, selon La Banque Postale, l’évolution de l’ensemble des recettes de fonctionnement est moins rapide que celle des dépenses de fonctionnement.
L’augmentation plus importante des dépenses de personnel du fait des revalorisations salariales masque l’ampleur des vacances de poste, qui touchent maintenant tous les départements. La désaffection des métiers du social et du médico-social n’est pas sans conséquence sur l’offre de service. Les revalorisations salariales ne suffiront pas à elles-seules à y mettre fin.
En effet, les résultats de cette enquête et l’observation continue de l’activité des départements témoignent d’une prégnance croissante des dispositifs et des normes depuis plus de vingt ans. Une évolution qui impose une pratique davantage gestionnaire au détriment de la prévention. C’est probablement l’une des raisons de la perte d’attractivité de ces métiers.
L’engagement dans une logique de prévention globale qui vise à agir sur l’environnement en accompagnant les personnes et en soutenant le développement des solidarités de proximité est susceptible d’inverser cette tendance. Elle est essentielle pour s’attaquer aux causes et contenir le poids des politiques réparatrices. À cette fin, une alliance en particulier avec les communes, à partir d’une observation partagée des atouts et des difficultés de chaque territoire constitue une voie prometteuse pour orienter une action recherchant l’implication des habitants.
Cette voie peut permettre aussi d’engager la société civile dans un soutien à la transformation de l’offre de service en la projetant davantage vers l’accompagnement et moins vers la prise en charge.